RDC: Kabila revient par la grande porte… de Goma à Washington

C’est un retour qui en dit long, tant sur les fractures politiques profondes que traverse la République démocratique du Congo que sur les stratégies en coulisse pour redessiner l’échiquier du pouvoir. Alors que la ville de Goma, désormais sous l’emprise de la rébellion soutenue par le Rwanda, sert de base d’opération à Joseph Kabila, l’ancien président tente une offensive diplomatique à visage découvert : Kikaya Bin Karubi, son fidèle lieutenant, arpente depuis quelques jours les couloirs feutrés de Washington DC.

Officiellement, il s’agit d’« une mission d’explication ». Officieusement, c’est le coup d’envoi d’un retour politique qui ne dit pas encore son nom, mais dont les contours deviennent de plus en plus lisibles. Kabila veut reprendre la main – et peut-être plus.

Au moment où les délégations de Kinshasa et de Kigali s’activent autour d’un plan de paix piloté par les États-Unis, l’ancien président congolais, absent du jeu diplomatique depuis des années, dépêche son homme de confiance pour se faire entendre. Son message ? Réhabiliter une vision politique incarnée par le clan Kabila, mais aussi, et surtout, exposer ce qu’il qualifie de « catastrophe » sous le régime de Félix Tshisekedi.

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Kikaya Bin Karubi ne mâche pas ses mots. Pour lui, il s’agit ni plus ni moins que de « mettre fin à la tyrannie », en défendant la pertinence d’un « plan de paix » estampillé Kabila. Une initiative qui, au-delà de l’enrobage diplomatique, prend des allures de réponse à l’isolement politique et judiciaire grandissant de l’ancien président, aujourd’hui dans le viseur de la justice militaire congolaise pour trahison, crimes de guerre et participation à une insurrection armée.

Le 26 mai, Joseph Kabila refaisait surface à Goma, comme s’il voulait sceller symboliquement son retour là où l’État congolais a le plus reculé. Là où la M23, supplétif militaire de Kigali, impose sa loi. Une coïncidence troublante ? Pas aux yeux de Kinshasa, qui y voit le début d’une manœuvre bien orchestrée pour reprendre le pouvoir en jouant la carte du chaos sécuritaire.

Mais que cherche réellement Joseph Kabila ? Une réhabilitation ? Une revanche ? Ou tout simplement, un retour sur la scène politique avec l’appui de forces extérieures, voire rebelles ? À Washington, Kikaya tente de faire entendre une autre version : celle d’un homme dépouillé de ses droits, de sa garde, de ses biens, mais déterminé à incarner une alternative. Il affirme que Kabila n’est pas seul, qu’il dispose de ses propres éléments de sécurité, y compris à Goma.

Ce discours tranche radicalement avec les accusations formulées par Kinshasa : soutien logistique à la rébellion, coordination avec les services rwandais, et velléités de renversement du pouvoir par la force. Le tout dans un climat de plus en plus tendu, où le spectre d’un mandat d’arrêt international semble se préciser.

L’histoire semble bégayer. Entre retour d’exil, accusations de haute trahison et négociations sous supervision américaine, la RDC renoue avec ses vieux démons : ceux d’un pouvoir bicéphale, de la duplicité politique, et d’une élite incapable de se départir du levier militaire pour résoudre ses conflits internes.

La présence simultanée à Washington de Kikaya Bin Karubi et de Moïse Katumbi – un autre prétendant au leadership congolais – ne relève pas du hasard. Elle dit quelque chose d’une transition en gestation. La diplomatie américaine semble redevenir, bon gré mal gré, le théâtre de la politique congolaise.

Mais le peuple congolais, lui, reste le grand oublié de cette guerre des ambitions. Entre la rébellion, les jeux d’alliances troubles, les règlements de compte et les manœuvres d’influence, où est la voix des victimes ? Où est le projet de paix crédible pour l’Est du pays ?

Kabila revient. Tshisekedi s’accroche. La guerre continue. Et Washington écoute.

 

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