« Le Loup et l’Agneau à Kinshasa : quand la justice congolaise préfère la force au droit »

Dans la fable « Le Loup et l’Agneau », La Fontaine dressait déjà le portrait d’une justice à deux vitesses, où la force prime sur la vérité. Ce samedi 14 juin, l’Assemblée nationale de la RDC en a apporté une illustration criante : le refus de poursuivre le député Nicolas Kazadi, alors que journalistes, défenseurs des droits humains et simples citoyens sont emprisonnés pour des propos bien moins retentissants — démontrant que la parole n’est protégée qu’à géométrie variable.

« La raison du plus fort est toujours la meilleure » — Jean de La Fontaine, Le Loup et l’Agneau

Ce célèbre vers résonne étrangement avec ce qui se joue en République démocratique du Congo, où la justice semble parfois se courber devant la force politique, au détriment du simple citoyen.

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Notre grand Kazadi échappe à la justice

Le samedi 14 juin, L’Assemblée nationale a rejeté le réquisitoire du Procureur général près la Cour de cassation, qui sollicitait l’autorisation d’ouvrir des instructions judiciaires à l’encontre du député national Nicolas Kazadi. L’ancien ministre des Finances est accusé de propagation de faux bruits et de divulgation de secrets d’État, suite à des déclarations critiques à l’encontre de sa propre famille politique.

Dans une émission diffusée sur YouTube, Kazadi dénonçait la création de 53 établissements publics non budgétisés durant le premier quinquennat de Félix Tshisekedi, les qualifiant «d’agences budgétivores », créées sans cadre organique ni limitation des effectifs. Il s’en est également pris à « l’entourage du président », l’accusant de mauvaise gestion et d’enrichissement personnel :

« Nous aimons trop la jouissance. Nous commençons par nous partager l’argent des projets, puis nous réfléchissons après. »

Pourtant, malgré ces accusations graves et ces révélations sensibles, l’Assemblée nationale a refusé de lever ses immunités, suivant les recommandations de la Commission spéciale dirigée par le député Raphaël Kibuka. Celle-ci a estimé que les déclarations de Kazadi relevaient du droit à la liberté d’expression garanti par la Constitution.

Deux poids, deux mesures : et les autres ?

Cette décision contraste brutalement avec le traitement réservé aux journalistes, activistes et simples citoyens, souvent incarcérés pour des propos similaires ou moins virulents, sans bénéficier de la même protection. Les prisons congolaises comptent de nombreux détenus d’opinion, arrêtés sans jugement équitable, voire sans procès du tout. Certains journalistes, coupables d’avoir dénoncé des détournements ou des abus locaux, se retrouvent en cellule pour « incitation à la haine », « propagation de faux bruits » ou « atteinte à la sûreté de l’État ».

La situation pousse à une question troublante : le droit à la liberté d’expression est-il réservé aux puissants ? Ou plutôt : faut-il être député pour pouvoir critiquer sans craindre la prison ?

La Fontaine avait vu juste : « La raison du plus fort… »

Dans sa fable Le Loup et l’Agneau, La Fontaine décrit un loup affamé, déterminé à dévorer un agneau. Quand l’agneau tente de se défendre avec raison, le loup l’accuse faussement et finit par le manger, concluant :

« Si ce n’est toi, c’est donc ton frère ! »
Et le loup l’emporte, et puis le mange… sans autre forme de procès.

Ce récit illustre à merveille ce qu’on appelle aujourd’hui une justice à deux vitesses, où la loi est utilisée comme une arme par les puissants, et subie comme un piège par les faibles.

Nicolas Kazadi, avec son statut de député, son carnet d’adresses, et ses appuis politiques,

est « protégé » par le système. Tandis que ceux qui n’ont ni micro officiel, ni immunité, sont traînés devant des juges expéditifs ou enfermés dans des geôles invisibles.

une telle justice est malheureusement pas propre à la RDC où le droit devient un privilège, et non une garantie universelle. On protège les uns au nom de la Constitution, on réprime les autres au nom de la sécurité nationale.. Dans plusieurs pays africains, la justice est instrumentalisée, tantôt pour neutraliser des opposants gênants, tantôt pour blanchir des membres du sérail. La séparation des pouvoirs reste fragile, et le principe d’égalité devant la loi souvent théorique.

Au-delà de ses implications politiques, l’affaire Nicolas Kazadi, pose un véritable problème de cohérence juridique et démocratique. Elle révèle une justice qui varie selon le rang, le statut, l’utilité politique. Elle rappelle aussi que le combat pour une véritable indépendance de la justice reste à mener.

 

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