Le dernier rapport du Groupe d’experts des Nations Unies sur la République démocratique du Congo, couvrant la période de janvier à avril 2025, montre le contexte sécuritaire de plus en plus complexe dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu. Il pointe notamment l’implication conditionnelle de l’Ouganda dans la montée en puissance du nouveau mouvement rebelle Convention pour la Révolution Populaire/Force pour la Révolution Populaire (CRP/FRP), dirigé par Thomas Lubanga Dyilo, tout en soulignant l’inefficacité persistante des opérations militaires conjointes Shujaa face aux exactions des ADF.
L’Ouganda derrière le CRP/FRP de Thomas Lubanga ?
Selon les experts onusiens, l’Ouganda aurait subordonné son soutien logistique et matériel à la CRP/FRP à la prise de contrôle de zones stratégiques situées autour du Lac Albert, dans le territoire de Djugu (Ituri). Le 24 février 2025, une attaque armée du CRP/FRP contre une base navale des FARDC à Nyamamba s’est soldée par un échec, bien que meurtrière. Cette offensive visait justement à satisfaire cette exigence ougandaise.
Malgré cet échec, le rapport souligne que la CRP/FRP continue de concentrer ses efforts militaires sur cette zone, témoignant d’une stratégie à long terme. Suivant un modèle similaire à celui du M23, le groupe a annoncé une structure inclusive censée représenter tous les groupes armés de l’Ituri. Toutefois, cette initiative a été désavouée par plusieurs acteurs majeurs, notamment la CODECO, qui a dénoncé la falsification de signatures.
Thomas Lubanga, ancien chef de milice condamné par la Cour pénale internationale (CPI), a officialisé la création du CRP/FRP à Kampala, en janvier 2025. Son objectif déclaré : renverser le régime actuel à Kinshasa, qu’il accuse de dérives autoritaires et de mauvaise gouvernance. La création du mouvement a engendré de profondes divisions au sein du groupe Zaïre, pourtant acteur clé dans la région, avec des dirigeants comme Baraka Maki Amos qui peinent à clarifier leurs positions.
En parallèle, le rapport révèle que l’opération militaire conjointe Shujaa, menée par les FARDC et les UPDF depuis fin 2021, n’a pas permis de neutraliser la menace persistante des ADF, notamment dans les zones de Beni, Irumu et Lubero. Si des commandants ADF ont été éliminés, les massacres de civils continuent. En janvier 2025, plus de 200 civils ont été tués, soit un nouveau pic de violence, similaire à celui de juin 2024.
Plus inquiétant encore, les experts de l’ONU affirment que la moitié des armes utilisées par les ADF proviendraient des stocks des FARDC. Ces armes auraient été saisies lors d’attaques contre des positions militaires congolaises. Le rapport note aussi une coopération active entre certains commandants ADF et l’organisation terroriste Daech, notamment dans le secteur de Bapere, à Lubero.
Face à cette situation, un nouveau mémorandum d’entente a été signé le 20 juin 2025 à Kinshasa entre le général ougandais Muhoozi Kainerugaba et le chef d’état-major congolais Jules Banza Mwilambwe. Il prévoit :
Le renforcement et l’élargissement des opérations Shujaa, notamment vers Mambasa, Djugu, Irumu, Mahagi et Aru ;
La sécurisation des travaux routiers sur l’axe Kasindi–Beni–Butembo ;
Le maintien d’une cellule conjointe de renseignements militaires.
La multiplication des groupes politico-militaires, les alliances transfrontalières opaques, et l’inefficacité partielle des forces régulières fragilisent encore davantage la paix à l’Est de la RDC. La montée en puissance de la CRP/FRP, sous influence ougandaise, risque de reproduire le schéma du M23 soutenu par le Rwanda, accentuant la méfiance vis-à-vis des pays voisins.
Les populations civiles, elles, restent les principales victimes de cette instabilité chronique. Massacres, déplacements, enlèvements, destruction de villages : les violations des droits humains atteignent des sommets, dans un silence diplomatique troublant